Pressoir ou cuisine de l’aile Est – Etat des lieux à l’acquisition

Appelée « Pressoir ou cuisine de l’aile Est » dans l’étude Historique de Damien Castel, « Atelier ou ou ancienne cuisine » sur les plans par G. Trouvé architecte du patrimoine.

Son usage historiquement.

Cuisine jusqu’en 1720

De ce qu’on lit dans l’étude historique, A la suite de la chambre à cheminée du milieu du XVIe siècle se trouve une vaste pièce qui a subi de nombreuses transformations. Durant les XVIIIe et XIXe siècles, des travaux ont redistribué l’espace. Un pressoir a été aménagé en 1720, comme l’indique une inscription. Des murs ont été démolis, d’autres reconstruits, une étable a été construite à l’intérieur, etc.

L’hypothèse de désigner cette pièce comme la cuisine est la plus vraisemblable. Le premier argument, c’est qu’il n’existe pas d’autre pièce ayant pu remplir cet usage. Dans les bâtiments du XVe siècle, ce n’est ni la salle, ni la chambre Est, avec leurs belles cheminées, et encore moins les petites chambres de retrait, à cause de leur dimensions restreintes, qui ont pu servir de cuisine. Une deuxième raison, c’est la superficie très importante de la pièce, la plus grande de la maison, qui convient parfaitement à une cuisine seigneuriale. La troisième réside dans sa situation, à l’extrémité de l’aile. L’existence d’une large et haute porte appareillée dans feuillure ni évasement constitue le quatrième argument.
Cependant, il reste un obstacle à cette hypothèse : c’est l’absence de cheminée. Mais peut-être a-t-elle existé. Si tel est le cas, ce n’est sûrement pas sur le pignon Est, qui est percé au premier étage d’une fenêtre, ce qui ne laisse pas la place pour un tuyau de cheminée. La cheminée devait plutôt s’adosser à la cheminée de la chambre, à l’emplacement du massif de maçonnerie qui se trouve aujourd’hui précisément à cet emplacement. C’est en tout cas l’hypothèse qui sera ici retenue.

Devenue Pressoir

La cuisine a été démolie en 1720 pour être transformée en pressoir à usage agricole. Il est vrai que la salle du corps de bâtiment principal étant devenue la « maison » du fermier, c’est-à-dire à la fois la cuisine, la
salle et la chambre, l’usage d’une cuisine seigneuriale n’a plus d’utilité. La date des travaux est précisément connue grâce à l’inscription qui se trouve sur un des piédroits de la grande ouverture créée à cette époque, gravée ainsi :

Le pressoir a été rétabli
Cy dedans l’an 1720

Le XIXe siècle a aussi apporté son lot de transformations, de sorte qu’aujourd’hui cette pièce est devenue la plus énigmatique de l’habitation.

L’acte de visite et montrée du 16 ventôse de l’an 2 donne une rapide description de certains éléments du pressoir :

« Que le pressoir dépendant dudit lieu est garni de tous ses
ustensiles qui sont en passable état à l’exception du câble qui
est à demi usé pour la moins value duquel est estimé 3 livres
Que la porte dudit pressoir est garnie de ses pentes et gonds
Qu’à la serrure il n’y a point de clef et pour en fournir une il a
taxé 1 livre ».

On note que la porte n’est pas dite à deux vantaux à cette époque.

Dimensions

La profondeur de la pièce est de 6,52 m du côté ouest mais va s’élargissant doucement vers l’Est pour atteindre 6,60 m au pied du pignon.
La longueur initiale n’est guère déterminable en l’état actuel. La cuisine initiale occupait-elle tout l’espace jusqu’au pignon Est ? Dans ce cas elle aurait mesuré 8,31 m, ce qui donne une superficie de 54 m², ce
qui n’est pas exagéré. Toutefois on peut imaginer qu’il ait existé un cloisonnement, différent de ce qui existe aujourd’hui (qui ne date que du XIXe siècle) pour aménager des annexes à la cuisine qui soient closes. Dans ce cas, la longueur de la pièce aurait été moindre.

Or, il existe les vestiges d’un mur de refend démoli à environ 5 m du mur de refend de la chambre du XVIe. Ce mur ferme la partie enduite de la pièce. A l’arrière (à l’Est) de ce mur démoli, les murs ne sont plus enduits et le sol est constitué d’un affleurement de tuffeau, de roche naturelle. Ces constatations laissent penser que la disposition d’origine est bien celle d’une cuisine de 5 m de large, soit 33 m². Derrière le mur, sur le tuf, devaient se trouver des celliers.

Le sol a été considérablement décaissé, encore davantage que la chambre précédente : 60 cm environ du côté sud. Cependant, la cour reste encore plus basse de 20 cm environ. Ce qui montre d’ailleurs que les murs ont des fondations.
Il ne subsiste aucune trace du sol d’origine, aucune partie de carrelage. Sans doute le muret qui subsiste du côté du mur de refend marque-t-il la hauteur approximative du sol, la chape de chaux et le
carrelage en moins.

Si l’on reporte le niveau du sol de la chambre à côté, on voit que sol se situait à 3.10 m au-dessous des solives de la pièce, donc une pièce plus haute que la chambre qui précède. Cela s’explique par la hauteur des solives qui est supérieure ici, ce qui occasionne aussi un changement de niveau au sol du premier étage de l’aile.
On remarque un affleurement de roc, de tuffeau, à l’extrémité orientale de l’aile. Une partie en a été creusée au XIXe siècle, une autre partie reste en place. Ce sol de roche était contenu derrière le mur de
refend. On devait y trouver aménagé des celliers, compléments des caves.

Ouvertures

Portes Sud

On y voit principalement la grande porte. Son montant ouest date de 1720, comme l’inscription qui y est gravée en atteste. Mais le montant Est a été construit plus tard, soit lors de la campagne de restauration de 1797, soit lors des travaux du début du XIXe siècle.

Ce côté ouest de l’ébrasement se prolonge plus haut que le linteau en bois et il est appareillé avec la porte dans le mur de refend. Ceci prouve clairement qu’il existe antérieurement aux changements de 1720, qu’il a été construit avec le reste de l’aile du XVIe siècle.

Par contre, le côté Est de l’ébrasement est plus évasé et forme un vrai pan coupé jusqu’au pilier construit sous l’extrémité de la poutre. Cette pile a été bâtie en même temps que le côté Est de l’ébrasement, au début du XIXe siècle, en même temps qu’on a démoli le premier étage de l’aile.
Pour l’élever le pilier, on a creusé un peu dans le mur de façade, du moins en bas, car la pile passe devant le mur dans sa partie haute. Côté intérieur, l’ébrasement actuel atteint 3,67 m de large.
Le linteau de la porte semble contemporain du côté Est de l’ébrasement mais plus récent que le côté ouest. Autrement dit, il date des travaux du début du XIXe siècle

Porte ouest

La porte de communication avec la chambre précédente a déjà été étudiée dans l’article sur la chambre XVIème.

Sur le mur Nord deux fenêtres

On observe deux petites ouvertures percées en hauteur du côté nord et actuellement obturées. Leur emplacement, fort haut, et leurs dimensions, fort petites, sont caractéristiques des pièces à usage de
domestique : ces derniers n’ont pas besoin de beaucoup de lumière, et encore moins de regarder dehors. Le bouchement est déjà très ancien, il date sans doute de l’aménagement du pressoir en 1720. Il est recouvert du même enduit épais, lisse, blanchi et très irrégulier que le reste de la pièce.

De part et d’autre de l’échelle, les deux fenêtres sous leur
couvrement en arc segmentaire. A droite la poutre rapportée ultérieurement sur l’angle de la
fenêtre murée a écrasé les piédroits en tuffeau

Fenêtre Ouest

L’ébrasement de la petite fenêtre la plus à l’ouest mesure 105 cm de large sur 116 de haut. Le rebord de l’ébrasement se trouve aujourd’hui à 1,52 m du sol. Mais si l’on considère que le niveau d’origine est celui de la chambre précédente, l’allège se trouvait à l’origine à 90 cm du sol.

Dans l’article ci dessous on peut avoir un aperçu de ces fenêtres vues de l’extérieur.

Vu de l’extérieur, le jour obturé mesure 57 cm de large et 58 de haut. Il est entouré de pierre de calcaire semi dur de Nuillé, mouluré à la manière du XVIe siècle. Côté intérieur, le cadre de l’ébrasement est en tuffeau, entièrement conservé, avec son couvrement en arc segmentaire.

Fenêtre de droite (Est)

la plus orientale

Les observations sur la petite fenêtre de droite (la plus à l’Est) sont presque les mêmes. Vu de l’intérieur, on voit exactement le même cadre d’ébrasement en tuffeau mais qui a perdu son rebord. De plus, le sommier de droite (Est) est rompu dans l’angle pour le placement de la poutre et le poids de la poutre a occasionné l’écrasement des piédroits de dessous le sommier. Il paraît donc que le plancher a été créé en même temps qu’on a bouché cette petite fenêtre ! Ce qui permet de le dater de 1720.
Vu de l’extérieur, les dimensions du jour sont très proches de la fenêtre précédente : 61 cm de large, 58 de haut. Le cadre est également en calcaire semi-dur de Nuillé, mouluré à la façon du XVIe siècle.

Murs

Trace de mur de refend

Dans le mur sud, après le pilier dont on a parlé au sujet de la partie Est de la porte, on voit les traces de l’arrachement d’un mur de refend en retour d’équerre. Juste en face, sur le mur nord, se trouvent exactement le même type de vestiges d’arrachement. Ce mur de refend démoli se trouve à 5,64 m du mur de refend de la chambre du XVIe (à l’ouest). Ce mur de refend est nécessairement antérieur aux travaux d’aménagement des lieux dans leur état actuel. Sa démolition peut remonter au début du XIXe, date d’agrandissement de la porte du pressoir et de la construction de la pile sous la poutre. Ou bien avant, par exemple en 1720, lors de la création du pressoir dans la cuisine.


Entre la poutre ouest et cet arrachement, le mur sud est encore enduit et blanchi.
Ce mur de refend, qui était pris dans la maçonnerie des deux façades, et qui laisse même une ligne de rupture dans la maçonnerie sur la façade sud, est nécessairement important pour la compréhension de
l’organisation de l’aile. Il remonte à l’origine de la construction de l’aile.

sur le mur nord

En haut à droite le mur de refend démoli. Le plancher supérieur, qui est construit postérieurement à cette démolition, doit donc remonter soit à 1720 soit au début du XIXe siècle

Mur ouest

Avec l’étude du mur ouest se repose la question de l’emplacement de la cheminée de la cuisine.

L’épaisseur du mur (58 cm) a été mesurée dans la chambre précédente. Il s’agit en effet du mur de refend qui sépare la chambre de la cuisine.

Ce mur est élevé en moellons ramassés dans les champs et recouvert d’un enduit épais, ocre, de surface lisse mais pas plane du tout, au contraire avec des bosses et des creux, comme sur les murs sud et nord. Il a été blanchi plusieurs fois. En bas du mur ouest, il existe une banquette de maçonnerie de moellons. Il s’agit de la fondation du mur, et le dessus de la banquette correspond au niveau du sol d’origine moins la chape de chaux et les pavés.


En haut du mur, il n’existe aucune trace d’un plancher plus bas que l’actuel aucun trou de solive qui soit bouché ou de tout autre équipement (la question se pose puisque dans le pressoir le plancher supérieur est plus haut que celui de la chambre).

Tas de charge sous cheminée

Vers le milieu du mur ouest, on observe en hauteur un tas de charge construit en tuffeau avec l’angle supérieur découpé comme pour mettre une pièce de bois quoique cela soit incompatible avec un tas de charge en tuffeau. Ces trous correspondent-t-il à un ancien chevêtre plus bas faisant
le tour du sommet d’une hotte de cheminée ?
Les blocs de tuffeau qui composent le tas de charge portent toutes les traces d’outil : la pierre n’a pas été polie. S’agit-il d’une coupe tardive de la hotte d’une cheminée qui aurait été bouchée ? Les joints sont épais et dégrossis. Le tas de charge n’a pas été blanchi alors que tous les murs anciens sont blanchis. S’agit-il donc d’un ouvrage postérieur ?
Le trou supérieur de gauche n’est pas une coupe faite après coup mais plutôt faite avant le montage. Ces encoches sont plus basses que le sommet de l’arc segmentaire des petites fenêtres du mur nord. Cela est
moins évident dans le trou supérieur de droite où il y a des manques d’enduit et où la pierre qui est sous le plancher penche du fait de ce trou. Ce qui montre que ce trou a été rempli par quelque chose. L’hypothèse du chevêtre autour de la hotte d’une cheminée reste le plus crédible.
L’enduit sous le tas de charge est continu avec le reste du mur ouest. Le même enduit entoure bien les extrémités des solives dans ce mur. Par conséquent, on ne décèle pas d’intervention postérieure dans le
mur ouest.

En conclusions, il nous paraît que ce tas de charge, est une construction datant de 1720, qui remplace l’ancienne cheminée de la cuisine. Ces travaux datent certainement de 1720, lorsque la cuisine a été
transformée en pressoir.

Mur et pignon Est

Le pignon Est actuel est le résultat de nombreuses transformations qui ont été évoquées avec les murs sud et nord. Il est construit en moellons non enduits, de la même manière que les portions les plus à l’Est
des murs nord et sud. Il est également bâti sur le tuf. On n’y voit aucune ouverture.

Il existe un autre mur en moellon non enduit qui ne pénètre pas dans le mur de façade sud. Il est construit sous la poutre pour fermer une porcherie. Il ne date certainement que du début du XIXe siècle.

A distance de 106 cm de la joue Est de la poutre ouest se trouve la trace d’un mur en retour d’équerre qui a été démoli. L’angle est continu avec l’enduit du mur nord donc les deux étaient contemporains. Ce retour se prolonge plus haut derrière la solive qui longe le mur nord. Ce qui signifie que le plancher actuel est postérieur à l’existence de ce mur. Autrement dit ce mur a été démoli lorsqu’on a construit le plancher supérieur actuel.
Dans ce retour de mur il existe tout en haut un angle concave dans la maçonnerie comme si une pièce de bois y avait été placée lors de la construction et la maçonnerie faite autour.

schéma de l’hypothèse mur de refend

La majorité du texte provient de l’étude historique rédigée par Damien Castel, 4ème trimestre 2014
Tous droits de reproduction (texte et images) sont réservés

Une réflexion sur “Pressoir ou cuisine de l’aile Est – Etat des lieux à l’acquisition

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